mardi 1 décembre 2015

La grâce exilée


Va-t'en va-t'en mon arc-en-ciel
Allez vous-en couleurs charmantes
Cet exil t'est essentiel
Infante aux écharpes changeantes

Et l'arc-en-ciel est exilé
Puisqu'on exile qui l'irise
Mais un drapeau s'est envolé
Prendre ta place au vent de bise.

Guillaume Apollinaire, 
Calligrammes.

vendredi 20 novembre 2015

D'outre-tombe

"Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme. Elle veut, en effet, être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. L’histoire du terrorisme est écrite par l’État ; elle est donc éducative. Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique."

"On peut remarquer que l’interprétation des mystères du terrorisme paraît avoir introduit une symétrie entre des opinions contradictoires ; comme s’il s’agissait de deux écoles philosophiques professant des constructions métaphysiques absolument antagonistes. Certains ne verraient dans le terrorisme rien de plus que quelques évidentes manipulations par des services secrets ; d’autres estimeraient qu’au contraire il ne faut reprocher aux terroristes que leur manque total de sens historique.

L’emploi d’un peu de logique historique permettrait de conclure assez vite qu’il n’y a rien de contradictoire à considérer que des gens qui manquent de tout sens historique peuvent également être manipulés ; et même encore plus facilement que d’autres".

Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle (1988)

lundi 2 novembre 2015

De Barbès à Bastille

 
Samedi 31 octobre 2015, Barbès-Bastille, à Paris.

Tu marcheras pour tous les morts pour rien, tués lâchement d’une balle dans le dos, tabassés à mort ou jetés dans un fleuve.


Tu marcheras pour la dignité humaine, pour croire encore que tu as le droit d’y croire.


Tu marcheras pour tous les opprimés, les discriminés ou méprisés, parce qu’ils/elles ne portent pas le nom qu’il faudrait porter, ou parce qu’ils/elles n’auraient pas « la bonne couleur de peau » ou parce qu’ils/elles n’habiteraient pas le bon quartier …


Tu marcheras pour les Arabes, les Africains, les Rroms, ceux qui aujourd’hui trinquent plus que les autres parce que désignés comme les bouc-émissaires de notre triste époque.


Tu marcheras pour les histoires du passé qu’on a si longtemps préféré ignorer au détriment d’autres histoires, comme si une hiérarchie devait prévaloir.



Tu marcheras pour croire qu’il est possible de changer les choses, de débattre en toute franchise, sans hypocrisie, pour aller de l’avant et ouvrir un autre champ des possibles.

Tu marcheras en espérant qu’un jour ceux qui ont tué gratuitement, lâchement, animés par la haine, soient jugés au même titre que d’autres, et qu’on cesse de leur trouver des excuses sous prétexte qu’ils seraient des hommes « assermentés. » 

Meyriem & Myriam en compagnie d'autres iséroises ;)

Tu marcheras pour que la loi qu’on dit applicable à tous, le soit enfin, sans faire de la loi une justice à deux niveaux.


Tu marcheras pour la dignité de ton père, Algérien, cuisinier de profession, mort à 49 ans, qui s’est tenu droit comme il a pu, arrivé en France à l’âge de 20 ans.
Tu marcheras pour la dignité de ta mère, Française, ouvrière en usine puis vendeuse de lingerie au Printemps, venue de son bourg de Picardie pour trouver de quoi mieux vivre à Paris, qui se foutait des sales pensées des uns ou des autres parce qu’elle vivait avec un Algérien. 

Tu marcheras pour tous les couples mixtes, tous ceux qui se sont aimés au-delà de ce qu’on nomme « les différences ».

Tu marcheras pour dire oui à la dignité, à la dignité de tous, oui.


Sandrine Malika Charlemagne

Crédit photos : lepartisan.info et Patlotch

mercredi 7 octobre 2015

Alexandre De Juniac, l'ultra-violence des riches

 « Classe en soi et classe pour soi, la bourgeoisie est la seule aujourd’hui à prendre ce caractère qui fait la classe réelle, à savoir d’être mobilisée».
Michel Pinçon & Monique Pinçon-Charlot.

Alexandre Marie Henry Begoügne de Juniac, né le 10 novembre 1962 à Neuilly-sur-Seine, actuel P-DG d'Air-France... Magnifique spécimen de nanti, particulièrement mobilisé. Voir la vidéo ci-dessous.

La morgue et le mépris

Quand les De Juniac ne font pas la chasse aux temps morts et aux syndicalistes tout en poussant les cadences et comprimant les salaires, eh bien ils suppriment nos emplois, tout simplement.

Ce qui a pour effet de nous désespérer souvent, de nous révolter parfois, -comme les travailleurs d'Air-France que nous soutenons de tout coeur. Quelquefois aussi de nous tuer.

Thème de la petite causerie du jour de de Juniac devant un parterre de  semblables : les acquis sociaux, le coût du salarié, le temps de travail, le travail des enfants ... Des propos inouïs.

De Juniac, ce frère jumeau de Macron.

lundi 5 octobre 2015

Enquête Positive - Grenoble, une ville sans tension ?

Parodie réalisée par Radio Malherbe Grenoble.
à retrouver sur www.rmg38.ne
#M6 #EnqueteExclusive #Grenoble

vendredi 31 juillet 2015

Grèce : Un coup de hache décisif...

Il se pourrait que ce soit cette époque à laquelle le référendum grec aura porté un coup fatal. Comme on sait, il faut un moment entre le coup de hache décisif et le fracas de l'arbre qui s'abat. Mais toutes les fibres commencent à craquer. Maintenant il faut pousser, pousser, c'est-à-dire refaire de la politique intensément puisque c'est la chose dont ils ignorent tout et que c'est par elle qu'on les renversera.

Frédéric Lordon

vendredi 24 juillet 2015

ΑΞΙΟΝ ΕΣΤΙ

ELYTIS / Mikis Theodorakis - AXION ESTI (Full concert in Leipzig, Germany, 1983)



J 'ai respiré dans l'air le corps du figuier comme l'odeur m'en parvenait fraîche encore des peintures de la mer.
Odysseas Elytis.
« Omorphi ke paraxeni patrida » (1971).

Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Elle jette les filets pour prendre des poissons
Et c’est des oiseaux qu’elle attrape
Elle construit des bateaux sur terre
Et des jardins sur l’eau
Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Elle baise le sol en pleurant
et puis elle s’exile
aux cinq chemins elle s’épuise
puis toute sa vigueur reprend
Elle menace de prendre une pierre
Elle renonce aussitôt
Elle fait mine de la tailler
Et des miracles naissent
Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Avec une petite barque
Elle atteint des océans
Elle cherche la révolte
Et s’offre des tyrans

Elle enfante cinq grands hommes
et puis elle leur brise l’échine
quand ils ne sont plus
elle chante leurs louanges
Belle mais étrange patrie…

traduction Angélique Ionatos


Axion esti: Passion: Lesung: Der grosse Exodus" de Gunther Emmerlich, Lakis Karnezis, Dresden Kreuzchor, Gothart Stier, Dresden Philharmonic Children's Choir, Friedrich Wilhelm Junge, Erik Kross, Carl Maria von Weber School of Music Orchestra, Beethoven Chorus of the VEB Electromaschinenbau.

lundi 20 juillet 2015

Costas Lapavitsas : "La voie de la sagesse, c’est celle de la sortie de l’euro et du changement social"

Ce texte est la transcription de l’intervention -en anglais- de Costas Lapavitsas au colloque « Democracy Rising », tenu à Athènes le 17 juillet 2015. Les intertitres sont de la responsabilité de contretemps.eu.
Costas Lapavitsas est député au Parlement grec, membre de la Plateforme de gauche de Syriza, et professeur d’économie à SOAS (School of Oriental and African Studies, Londres).


Une capitulation désastreuse
Le gouvernement Syriza vient de signer un nouvel accord de sauvetage. C’est un très mauvais accord, pour des raisons évidentes que je vais énumérer.

Tout d’abord, cet accord est récessif. Il va plonger l’économie grecque dans la récession. Parce que les seules augmentations d’impôts s’élèvent à 2% du PIB. Elles concernent surtout la TVA, impôt indirect prélevé sur des produits principalement consommés par les travailleurs. Mais elles concernent aussi les entreprises et vont d’abord frapper les petites et moyennes entreprises, qui demeurent la colonne vertébrale de l’économie grecque. L’agriculture est sans doute le secteur le plus durement touché par cette augmentation : l’impôt sur le revenu versé par les agriculteurs va doubler, et ils seront soumis à de nouvelles obligations. Ces mesures sont incontestablement récessives. Elles arrivent à un moment où l’économie grecque chancelle au bord du précipice. Il ne fait aucun doute qu’elles vont la faire basculer dans la récession.

Deuxièmement, l’accord impose des mesures clairement inégalitaires. Elles vont exacerber les inégalités dans le pays. Ne laissez personne vous dire le contraire : le gros des recettes fiscales viendra des impôts indirects, dont on sait qu’ils sont facteur d’inégalité. Les inégalités vont s’accroître parce que les mesures imposent de prendre 800 millions par an dans les retraites. Elles feront peser une charge supplémentaire sur les retraités, qui comptent déjà en règle générale parmi les couches les plus pauvres de la population. Et bien sûr, les inégalités vont aussi s’accroître parce que le chômage va augmenter cette année et l’année prochaine.

Cet accord est mauvais parce qu’il ne remédiera en rien au problème de la dette du pays. Il ne prévoit pas de restructuration de la dette. Il va remplacer une catégorie particulière de dette par une autre. Il pourrait entraîner une amélioration marginale – marginale – sur le plan des taux d’intérêt et de l’étalement de la dette. Et celle-ci va sans aucun doute augmenter de 20 à 25 milliards pour recapitaliser les banques. Selon le FMI, le ratio dette sur PIB devrait passer à 200% l’an prochain. C’est très probablement ce qui va arriver.

Quatrièmement, l’accord ne prévoit absolument rien pour le développement du pays. Le « paquet » de 35 milliards d’euros n’existe tout simplement pas. Ces sommes ont déjà été allouées à la Grèce dans les divers fonds. Nous ne savons pas quand ni comment le pays percevra de l’argent frais. Rien, donc, en matière de développement.

Enfin, cet accord est clairement de type néocolonial. Le gouvernement de gauche a signé un accord néocolonial. Il l’est pour plusieurs raisons. J’en évoquerai trois : tout d’abord, l’accord prévoit l’établissement d’un fonds de privatisation de 50 milliards d’euros, sous contrôle étranger, et qui aura pour mission de vendre des biens publics. Les 25 premiers milliards seront destinés aux banques. S’il reste quelque chose – et il ne restera rien car on n’atteindra jamais 50 milliards –, les sommes serviront au remboursement de la dette et, peut-être, à l’investissement. Par conséquent, ce fonds vendra tout ce qu’il est possible de vendre pour recapitaliser les banques. Nous venons d’accepter de vendre nos bijoux de famille pour recapitaliser des banques grecques en faillite.
Nous avons aussi accepté de mener des réformes de l’administration publique sous la houlette de l’UE. Nous avons accepté de nous soumettre à un contrôle qui non seulement sera très sévère mais qui durera bien plus longtemps que les 3 ans que durera l’accord.

À mes yeux, cet accord représente une capitulation désastreuse. Ce n’est pas Brest-Litovsk. Ceux d’entre vous qui le croient se trompent. Il ne s’agit pas de gagner du temps pour asseoir le pouvoir bolchevique à Moscou et à Leningrad. Il ne s’agit pas de gagner du temps, car il n’y a pas de temps à gagner. Le temps, en l’occurrence, joue en faveur de l’ennemi. Ce n’est pas une manœuvre tactique.
Cet accord revient à mettre le pays sur une voie qui n’a qu’une seule issue. Une issue qui ne sert pas les intérêts du peuple. Quant à savoir qui est le véritable vainqueur de cet accord, c’est l’évidence même. Le vainqueur est devant vous. C’est l’oligarchie, qui s’exprime dans les médias de masse. Voilà pourquoi les médias exultent et célèbrent cette victoire. La réalité est parfois exactement ce qu’elle paraît être. Il est inutile de gratter la surface. Si vous lisez les grands journaux et que vous écoutez les médias, vous savez qui a gagné.

Le produit d’une erreur stratégique
Alors pourquoi ? Pourquoi cette capitulation ? Pourquoi en est-on arrivé là après le grand enthousiasme d’il y a six mois, après le fort soutien que nous ont apporté les mobilisations de la base dans ce pays et en Europe ? Pourquoi ? Pour moi, la réponse est claire. Elle tient à une mauvaise stratégie, stratégie qui fut certes assez bonne pour gagner les élections, mais qui s’est révélée désastreuse une fois Syriza arrivé au pouvoir. Cette mauvaise stratégie a fait long feu. Quelle est-elle ? Elle est très simple, et elle a été explicitement formulée à maintes reprises. Nous réaliserons un changement radical en Grèce, un changement radical en Europe, et nous le ferons de l’intérieur de la zone euro. Voilà quelle était la stratégie. Eh bien ce n’est pas possible. Un point, c’est tout. Les derniers mois ont démontré que ce n’était tout simplement pas possible.

Ce n’est pas une question d’idéologie – néolibérale ou autre. Ce n’est pas une affaire de rééquilibrage des rapports de force politiques. Combien de fois ai-je entendu parler de rééquilibrage ? Et voilà que ce débat revient sur la table, que l’on ressort cet argument : « Attendons que le rapport de force politique change en Europe, si Podemos est élu, les choses seront différentes. » Vous pourrez attendre longtemps. Très longtemps. Car ce n’est pas ainsi que la situation changera.

Pourquoi ? Parce que l’union monétaire, dont la Grèce fait partie, n’est pas de nature idéologique. Enfin elle l’est, mais il ne s’agit pas seulement d’idéologie. Ni de rééquilibrage du rapport de force. C’est un mécanisme institutionnel. Plus tôt les Grecs le comprendront, mieux ce sera pour nous tous. On a affaire à un mécanisme institutionnel, à une union monétaire, à un ensemble hiérarchique qui agit dans l’intérêt des grandes entreprises et d’un petit nombre de pays membres. Voilà la nature de l’Union économique et monétaire.
Historiquement, cette union monétaire a échoué. En Grèce, son échec est patent. Elle a ruiné le pays. Et plus la Grèce s’accroche à sa place au sein de l’union, plus elle détruit son peuple et sa société. C’est un fait que l’histoire des unions monétaires a établi depuis longtemps. Le problème est qu’à chaque fois, les gens refusent de voir la réalité en face.

La question de l’argent
Permettez-moi de faire une digression sur la question de l’argent – après tout, je m’adresse ici à un public d’universitaires et cela fait trente ans que j’étudie l’argent. L’argent est bien sûr l’équivalent universel. La marchandise des marchandises. Je suis assez traditionaliste à cet égard.
Sous sa forme la plus simple et la plus pure, c’est une chose. La plupart des gens considèrent que l’or est de l’argent. Dans certains cas, c’est encore vrai. Quand il est une chose, il fonctionne de façon aveugle et automatique, comme le font toutes les choses. Et il est l’objet de la réification. Les rapports sociaux vont s’incarner dans cette chose. De façon aveugle et mécanique, la société se soumet à cette chose. Nous le savons depuis longtemps. Keynes parlait de l’esclavage du métal jaune.
Bien sûr, l’argent moderne n’est pas une chose de ce type. Il reste chose, mais pas une chose ayant la forme d’une marchandise produite. Il est contrôlé. Il reste de l’argent, mais il est contrôlé. Contrôlé par des institutions, des comités, des mécanismes, toute une hiérarchie de relations. Cette hiérarchie et ce cadre produisent de la réification. Une réification qui diffère de celle de l’or. Ce que réifient ces institutions, c’est la pratique. L’idéologie et les intérêts de classes se réifient dans la pratique, dans l’institution elle-même.
C’est ce que la gauche, en Europe et en Grèce, s’est révélée incapable de comprendre : les mécanismes de l’Union européenne et monétaire sont une pratique de classe réifiée. Un point, c’est tout. Vous ne pouvez pas les transformer parce que vous avez gagné une élection en Grèce. C’est impossible. Vous ne pourrez pas les changer parce que demain, Podemos sera au pouvoir en Espagne. Ce n’est pas possible. Donc de deux choses l’une : soit vous détruisez cet édifice, soit vous l’acceptez tel qu’il est. Nous en avons désormais la preuve irréfutable.

Un programme radical suppose un plan de sortie de l’euro
Mais la vraie question est la suivante : que fait-on maintenant ? Je vais vous le dire, et sur ce point, ma propre pratique a valeur de preuve. La seule position cohérente au parlement ces derniers jours – cohérente avec deux choses : le mandat électoral reçu par Syriza le 25 janvier, et le référendum où le peuple a très clairement dit non aux plans de sauvetage –, la seule position cohérente avec ces expressions de la volonté populaire, c’était de dire non. Pas oui.
Ce n’est pas une affaire de conscience morale. Je respecte la conscience de chacun, je comprends la difficulté morale éprouvée par chaque député, chaque membre de Syriza, chaque citoyen grec. Mais ce n’est pas une question morale. Je ne suggère absolument pas que le « non » est moralement supérieur au « oui ». Je tiens à le dire très clairement. Il ne s’agit pas ici de morale, mais de jugement politique.

C’est la politique qui compte ici, et la juste orientation politique à prendre, c’était de dire non. C’est la seule option qui permet de rester cohérent avec la volonté populaire, avec les promesses que nous avons faites au peuple, et avec les mesures que nous serons susceptibles de prendre à l’avenir.
Si cette orientation est maintenue, le « oui » nous plongera vraisemblablement dans d’immenses difficultés. D’immenses difficultés pour les raisons que je vous ai données et qui tiennent au contenu de l’accord. Il n’est pas possible d’accepter cet accord et de transformer la Grèce. Ce ne sera pas possible car l’accord contient des mécanismes de contrôle très durs. Ces gens à l’étranger ne sont pas idiots. Ils savent exactement de quoi il retourne. Et ils imposeront des conditions, des régulations, des mécanismes de contrôle qui empêcheront Syriza de prendre des mesures allant dans le sens de ce à quoi beaucoup aspirent.
La preuve du pudding, c’est qu’on le mange. Ils exigent déjà le retrait de la majeure partie des lois que nous avons adoptées au cours des cinq derniers mois, dans l’intérêt des travailleurs. Et nous les retirerons. Ils nous contraignent à le faire. Et vous vous imaginez qu’à partir de maintenant, vous allez pouvoir adopter d’autres mesures législatives radicales ? Mais sur quelle planète vivez-vous ? C’est impossible. Et ce ne sera pas possible.

Revenir sur l’accord en s’appuyant sur le Non au référendum
Alors, qu’allons-nous faire ? Nous devons revenir sur l’acceptation de cet accord. Et concevoir un programme radical compatible avec nos valeurs, nos objectifs et le discours que nous avons tenu au peuple grec depuis tout ce temps, depuis toutes ces années. Et ce programme radical est impossible sans une sortie de l’euro. La seule chose à quoi nous devions vraiment travailler, c’est au développement d’un plan de sortie de l’euro qui nous permettra de mettre en œuvre notre programme. C’est si évident que je suis stupéfait qu’on ne l’ait toujours pas compris après cinq mois d’échec des négociations.
Avons-nous les forces requises ? Oui. Oui parce que le référendum, où le « non » a triomphé sans appel, a démontré deux choses. Il a démontré, pour commencer, que l’euro est une affaire de classe. Ce n’est pas une forme d’argent impersonnelle. Comme je vous l’ai dit, il cristallise et contient des rapports de classe. Et les gens l’ont instinctivement compris : les riches ont voté « oui », les pauvres ont voté « non » au référendum. Un point, c’est tout.
Deuxième chose démontrée par le référendum, et cela représente un énorme changement : pour la première fois depuis cinq ans, la jeunesse grecque s’est exprimée. Nous étions nombreux à attendre qu’elle le fasse. Et enfin, elle l’a fait. Et la jeunesse, cette jeunesse si attachée à l’Europe, si éduquée, sans doute si éloignée de tous ces dinosaures d’extrême gauche qui croient encore à Marx et consorts – cette jeunesse grecque qui bénéficie des programmes Erasmus et qui voyage partout, cette jeunesse a dit non, à 80%. Voilà la base d’une orientation radicale, et d’une réorientation pour Syriza aujourd’hui. Si nous disons oui, si nous maintenons le oui, nous perdrons les jeunes. J’en ai la certitude absolue.

Comment organiser une sortie de l’euro ?
Alors comment initier cette nouvelle orientation ? Est-ce une chose impossible ? Ne vous imaginez pas qu’il n’existe pas de plan pour sortir de cette union monétaire désastreuse et mettre en œuvre une stratégie radicale. Il existe un plan. Seulement, on ne l’a jamais utilisé. On ne l’a jamais développé, jamais étudié de manière approfondie. Pour le mettre en œuvre, il faut le développer, et il faut, par dessus tout, une volonté politique.

Ce plan, sous forme de feuille de route, contiendra quelques points très clairs.
  • Premièrement, défaut sur la dette nationale. Le défaut est l’arme des pauvres. La Grèce doit faire défaut. Il n’y a aucune autre porte de sortie. Le pays est écrasé par sa dette. Un défaut serait donc un premier pas vers un profond effacement de la dette.
  • Deuxièmement, nationalisation des banques. Nationalisation efficace des banques. Je veux dire par là que l’on nommera un commissaire public et un groupe de fonctionnaires et de technocrates qui savent comment s’y prendre. On leur demandera de diriger les banques et de renvoyer chez eux les membres des équipes dirigeantes actuelles. Voilà ce qu’il faut faire. Sans avoir la moindre hésitation. Et nous changerons en conséquence la structure juridique de ces établissements. La chose est très facile à faire. Les banques continueront à fonctionner sous un régime de contrôle des capitaux. On aura alors fait la moitié du chemin pour sortir de cette catastrophique union monétaire. Mais il faudra mettre en place un contrôle adéquat des banques et des capitaux, pas ce contrôle lamentable que nous avons vu ces deux dernières semaines. Il faudra que cela permette aux travailleurs et aux entreprises de retrouver une activité normale. C’est tout à fait possible. On l’a vu à plusieurs reprises.
  • Troisièmement, conversion de tous les prix, de toutes les obligations, de l’ensemble de la masse monétaire dans la nouvelle devise. On peut convertir tout ce qui relève du droit grec. Les déposants perdront une part de leur pouvoir d’achat, mais pas sur la valeur nominale de leurs dépôts. Mais ils y gagneront car le pouvoir d’achat de leur dette diminuera également. Donc la majorité en sortira probablement gagnante.
  • Quatrièmement, organisation de l’approvisionnement des marchés protégés : pétrole, produits pharmaceutiques, nourriture. C’est tout à fait possible en définissant un ordre de priorités, donc il faut s’y prendre un peu à l’avance, pas à la dernière minute. Il est évident que si vous pensez mettre tout cela en place le lundi matin et que vous commencez à y réfléchir le dimanche, l’affaire sera difficile. J’en conviens.
  • Enfin, déterminer comment on allégera la pression sur le taux de change. Le taux de change va probablement plonger puis remonter. C’est généralement ce qui se passe. Il se stabilisera à un niveau dévalué. J’envisage une dévaluation de 15 à 20% au final. Il faut donc savoir comment on maîtrisera cette situation.
Quels seront les effets d’une sortie de l’euro ?
Que se passera-t-il donc si nous empruntons ce chemin ? D’abord, il faut s’y préparer techniquement, et surtout, il faut y préparer le peuple. Car pareille chose est impossible sans lui. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai : on peut se passer du peuple, mais alors il faut envoyer les chars dans les rues. On peut aussi faire ça. Mais ce n’est pas l’orientation de la gauche. La gauche veut y parvenir avec la participation du peuple, car nous voulons le libérer de cette façon, nous voulons le faire participer.

Que se passera-t-il donc si nous empruntons ce chemin ? J’ai vu des simulations et des modélisations économétriques de l’effet que cela pourrait avoir sur le PIB, les prix, etc. Ce genre de chose est parfois très utile et intéressant à lire. Mais dans ce cas, les simulations n’ont pas la moindre valeur. Pourquoi ? Parce que, par essence, la simulation et l’économétrie reposent sur la conservation des caractéristiques structurelles du modèle. Sinon, toute simulation est impossible. Ici, par construction, nous transformons la structure. C’est un changement de régime. Ou, pour le dire autrement, si quelqu’un décide de remettre sa vigne en culture, comment en prévoir les effets ? C’est cela qui va se passer. Il se produira un changement structurel. Donc toutes les prévisions chiffrées ne valent pas grand-chose. Ne croyez pas ceux qui vous disent qu’il y aura une récession de 25%, une contraction du PIB de 50%. La vérité est qu’ils n’en savent rien. Ils sortent ces chiffres de leur chapeau.

Le mieux que l’on puisse faire dans ces conditions, c’est de concevoir des anticipations raisonnées fondées sur les expériences antérieures et sur la structure de l’économie grecque. J’imagine que si nous empruntons cette voie en y étant préparés, nous entrerons en récession. Ce sera difficile. Cela durera probablement plusieurs mois, du moins la plongée durera plusieurs mois. Mais si je me fonde sur l’expérience monétaire, je ne crois pas que cette situation durera plus de six mois. En Argentine, elle a duré trois mois. Puis l’économie est repartie.

La contraction durera donc plusieurs mois, puis l’économie redémarrera. En revanche, il est probable qu’il faille attendre plus longtemps pour renouer avec des taux de croissance positifs, car la consommation, la confiance, et les petites et moyennes entreprises subiront sans doute un choc important. Je suppose que l’on reviendra à des taux de croissance positifs au bout de 12 à 18 mois.
Une fois le pays sorti de cette période d’ajustement, je pense que l’économie reviendra à des taux de croissance rapides et soutenus. Pour deux raisons. D’abord, la reconquête du marché intérieur. Le changement de devise permettra au secteur productif de reconquérir le marché intérieur, de recréer des opportunités et des activités, toutes choses que l’on a vu à chaque fois que se sont produits des événements monétaires de cette ampleur. Et un gouvernement de gauche favorisera la reprise, pour qu’elle soit plus rapide et plus solide. En partie parce que les exportations vont très probablement repartir ; en partie parce que l’on mettra en place un programme soutenu d’investissement public qui favorisera aussi l’investissement privé et produira de la croissance pendant plusieurs années. Voilà mes prévisions, je n’ai pas le temps de les développer ici.

La voie de la sagesse…
Je voudrais ajouter deux choses. Il ne s’agit pas d’une sortie de l’Europe. Personne ne défend cette idée. L’euro, l’Union européenne et monétaire, ne se confond pas avec l’Europe – cette valeur désincarnée, qui nous tourmente depuis si longtemps. Nous parlons ici de sortie de l’union monétaire. La Grèce restera membre de l’Europe et des structures européennes tant que le peuple grec le souhaitera. Cette stratégie vise au contraire à libérer la Grèce du piège que constitue l’union monétaire, à lui permettre de renouer avec une croissance soutenue et avec la justice sociale, à renverser le rapport de force au profit des travailleurs du pays. Je le regrette, mais il n’y a pas d’autre stratégie. S’imaginer le contraire, c’est poursuivre des chimères.
J’ignore si la Grèce optera pour cette stratégie. Récemment, je suis tombé sur une phrase très intéressante, attribuée à un premier ministre israélien. Il disait que les nations prennent la voie de la sagesse, mais seulement après avoir essayé toutes les autres. Dans le cas de la Grèce, je crains que ce ne soit ce qui nous attend. La voie de la sagesse, c’est celle de la sortie de l’euro et du changement social. J’espère que Syriza le comprendra et dira non. Qu’il ne signera pas cet accord. Qu’il reviendra à ses principes radicaux et à ses valeurs radicales. Qu’il fera une nouvelle proposition à la société grecque et s’engagera dans la voie de la sagesse.

Traduction : Nicolas Vieillescazes pour le site contretemps.eu
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vendredi 10 juillet 2015

Et si l'arbre brûle - Angélique Ionatos



Les poètes sont en exil. Dans notre monde, soumis à une nouvelle barbarie celle de la ploutocratie, il nous faut les interroger pour retrouver la mémoire et l'utopie tout à la fois.
Ce sont eux qui veillent sur notre humanité.
Ma « belle et étrange patrie » qui a déposé une terre si fertile sur mes racines,
m'a enseigné que la poésie depuis toujours nourrit le chant.
Et ce chant peut devenir un cri.

Aujourd'hui la Grèce est défigurée.
Les Grecs sont humiliés.
Le premier devoir d'un artiste est de témoigner de son temps.
Et de résister! « Chacun selon ses armes », disait le poète Elytis, pour redonner espoir et dignité.

Souvent je me sens découragée et impuissante face à tant de malheur.
Parfois je suis même tentée de me taire.
Alors je lis mes poètes. Leurs mots jamais ne s'oxydent à l'haleine du désespoir.
Leur parole est politique et souvent prophétique.

Et voilà que l'espoir revient comme « un chant de maquisard dans la forêt des aromates ».
Ce cri et cet espoir vont habiter aujourd'hui mon propre chant.

Angélique IONATOS

mercredi 6 mai 2015

Loi Charlie : le point de vue des putes (les vraies)

Ils ont [défilé le 11 janvier] voté, et puis après ?

Projet de Loi sur le Renseignement.

C'est un projet 100% liberticide, mais 100% inefficace contre le terrorisme, tout a déjà été dit. Une écrasante majorité de députés, droite, centre, gauche et quelques écolos de salons ministériels l'ont approuvé. Son adoption définitive après un passage au Sénat n'est plus qu'une formalité.

Celà valait bien une mise au point de ces péripatéticiennes hispanophones, que nous partageons sans réserve :

Mots-clés : Zad, Dieu, Fofialistes, Solférino, Grenades, Sivens, socio-libéraux, Allah, Liberté, Burka, Frère, Egalité, Révolution, Grève, Flics, Fraternité...
Allo, chéri ? les détonateurs sont dans le pare choc de la 4l. Les bâtons sont dans la 405,
On se retrouve devant la préfecture. Il va être beau ce feu d'artifice.

vendredi 17 avril 2015

[video] Baisser le coût du capital pour partager les richesses


Les deux intervenants se livrent ici, au fond, à un véritable cours accéléré d' introduction à l'économie politique à partir d'une question-clé : " Quel est le coût du capital" ?
Avec Michel Husson et un Paul Jorion en grande forme. ( 37 minutes )

http://www.pauljorion.com/blog/
http://hussonet.free.fr/

samedi 4 avril 2015

Projet de Loi de Renseignement

Mouvements sociaux sous surveillance, espionnage économique, collecte massive de données... lors de son passage en commission des lois, le texte du gouvernement renforçant les pouvoirs des services de renseignement a été considérablement musclé par les députés, et ce malgré les multiples alertes des associations et organisations professionnelles. 


Lettre ouverte aux traîtres à la République

par Laurent Chemla


C'est à vous, députés et sénateurs qui allez bientôt voter d'une seule voix le projet de loi sur le renseignement présenté par le gouvernement, c'est à vous que ce message s'adresse.

Nous le savons déjà: vous allez le voter. Sans aléa, après un débat cosmétique qui ne servira qu'à corriger quelque coquille ici ou là, vous allez le voter.

Contre l'avis de deux juges antiterroristes, contre les avis du Syndicat de la Magistrature, de la CNCDH, de l'ordre des Avocats de Paris, de la CNIL, de l'Unions Syndicale des Magistrats, vous allez le voter.

Contre l'avis d'Amnesty, de RSF, de la LDH et de la Quadrature du Net, vous allez le voter.

Alors que, de partout, les mises en garde affluent, que le New York Times fait sa Une sur "La France, État de surveillance", que le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe s'inquiète de la dérive sécuritaire liberticide que cette loi implique, et que même le président de l'actuelle commission de contrôle des interceptions de sécurité dénonce la faiblesse des garanties qu'apporte ce texte, vous allez le voter.

Mesdames, messieurs, vous qui, en théorie, représentez la voix du peuple, c'est ce même peuple que vous vous apprêtez à trahir.

En mettant (quel que soit l'enrobage sur le pseudo-anonymat des données reccueillies) la totalité de la population sur écoute, en traitant chaque citoyen de ce pays comme un terroriste en puissance, c'est le peuple que vous vous apprêtez à dénoncer comme votre ennemi.

Je vous engage à relire, avant de voter, la définition de ce qu'est un État policier selon Raymond Carré de Malberg:
L'État de police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l'initiative, en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se propose : ce régime de police est fondé sur l'idée que la fin suffit à justifier les moyens. À L'État de police s'oppose à l'État de droit.

En écartant le juge judiciaire de toute autorisation préalable aux écoutes administratives, c'est l'État de droit que vous détruisez: garant des libertés individuelles, sa remise en cause nie le principe de séparation des pouvoirs.

Et tout ça pour quoi ?

S'il fallait en croire les maigres débats - imposés par la procédure d'urgence choisie par le gouvernement - cette négation de tous nos principes fondateurs serait nécessaire pour lutter contre le terrorisme.
Mais cette loi ne concerne pas que la lutte antiterroriste, loin de là: elle s'applique à tous les domaines de la vie en société. "Engagements internationaux", "Intérêt public", "Intérêts économiques et scientifiques", voici quelques-uns des motifs pour lesquels vous allez autoriser, sans contrôle, la surveillance de chaque citoyen.

Oh, bien sûr, pendant le débat public on ne vous agitera que la menace terroriste, à l'instar de la fiole censée prouver l'existence d'armes de destruction massives en Irak, on vous répètera l'argument mensonger selon lequel " 90% des jihadistes se sont radicalisés sur Internet ".
Oh, oui, si vous osez vous opposer à ce déni de démocratie, on vous accusera d'être responsables des attentats qui pourraient avoir lieu sans ce texte.
Le même argument vous a déjà été servi pour justifier le récent texte qui permet la censure administrative - sans juge - de n'importe quel site Internet (et dont l'OSCE demande déjà qu'on le reconsidère).

Pourtant, dans cette période où chacun s'interroge sur ce qui nous définit comme une société, c'est justement le moment de vous souvenir des principes qui ont fondé ce pays.

Mais, dans ce moment où le terrorisme n'a de cesse que de voir disparaître toute pratique démocratique, c'est justement l'instant où vous devez vous lever pour défendre les droits fondamentaux et pour rejeter les arguments démagogiques.

Mesdames, messieurs, s'il vous reste ne serait-ce qu'une once de probité, vous lirez les arguments des opposants à ce texte, sans oeillères et sans calcul politique de bas étage.

Et si vous ne voulez pas être un traître à la république, madame, monsieur, vous vous y opposerez à votre tour.

Tribune parue dans les blogs de Mediapart le 03 Avril 2015.

mercredi 25 mars 2015

Un hébergement c'est un droit ! Mobilisation à Grenoble le 27 mars

UN HÉBERGEMENT C’EST UN DROIT
Rassemblement Vendredi 27 mars 2015 à 17H30 rue Félix-Poulat à Grenoble et marche jusqu’à la Préfecture de l'Isère.

A l'appel du CISEM (Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers migrants, qui regroupe 15 organisations), du Réseau ALERTE qui regroupe 70 associations et structures, et du Collectif Hébergement-Logement.

Personne à la rue le 31 mars prochain!
Un hébergement c’est un droit inconditionnel

Banderole logements décents et adaptés préf

En Isère, on dénombre au moins 1500 personnes sans solution constante d’hébergement, dont beaucoup sont à la rue. Chaque jour, sur une centaine d’appels au 115, n° d’urgence sociale, 99% des demandeurs se heurtent à une fin de non-recevoir !

Le 31 mars les 250 personnes et familles, y compris avec enfants très jeunes, hébergées dans le cadre hivernal par la Préfecture, vont être MISES A LA RUE ! Et nous n’oublions pas les centaines de personnes et familles « réfugiées » dans des conditions indignes dans des camps de toile ou des squats insalubres. Et cette fin de trêve hivernale concerne aussi de nombreuses personnes et familles précaires menacées d’expulsion car elles n’arrivent pas à régler leurs loyers.
Cette situation est INDIGNE et absolument INACCEPTABLE.
L’article 345-2-2 du Code de l’Action Sociale et des familles (CASF) dispose que l’hébergement d’urgence est une obligation et un droit inconditionnel. Nous demandons que le Préfet use enfin de son pouvoir de réquisition de logements ou bâtiments vides (il y en a beaucoup !).

CISEM, Réseau ALERTE et Collectif Hébergement-Logement

lundi 9 mars 2015

Un parlementarisme à bout de souffle

"La déclaration de guerre n'est autorisée par le Parlement qu'en cas de conflit armé."
Pierre DAC.


En même pas trois ans passés sous la présidence de François Hollande, la question de la légitimité des gouvernements en place s'est posée trois fois dans le cadre parlementaire : une fois pour le gouvernement Ayraut, deux fois pour les gouvernements suivants, Vals-1 et Vals-2.

Postures fallacieuses, jeux politiciens


A l'automne dernier, trois options ont été défendue à l'Assemblée Nationale par les député(e)s qui contestent Hollande/Valls-Macron.

-1. S'ABSTENIR DE VOTER LA CONFIANCE

C'était le choix sans risque des "frondeurs" du PS (31 sur 289), du groupe EELV (17 sur 18 [1] ) et de tous ceux qui ont deux fers au feu.

A ceux-là il ne reste plus que la prière pour éviter la catastrophe en 2017, et leurs yeux pour pleurer d'impuissance.

-2. CENSURER LE GOUVERNEMENT

... dans l'objectif de retricoter une nouvelle majorité parlementaire susceptible d' infléchir à gauche la politique d'austérité du gouvernement actuel.

A ce qu'on a pu saisir, c'était le choix du "groupe de la gauche démocrate et républicaine" (11 sur 15) constitué d'élus communistes et apparentés.

La droite a censuré le gouvernement Vals avec les mains, mais elle dit oui avec le coeur à ce fils adoptif et méritant du Medef et de l'oligarchie.


-3. CENSURER LE GOUVERNEMENT ET EXIGER LA DISSOLUTION DE L'ASSEMBLEE

Seuls les 3 non-inscrits FN et assimilés (en comptant J.Bompard) ont réclamé une dissolution de l'assemblée et des élections anticipées, par simple calcul électoral. Toutes les projections répètent à l'envi et depuis des mois qu' aujourd'hui c'est lui qui tirerait probablement les plus gros bénéfices de l'opération.

Sans la moindre dose de proportionnelle, la gauche révolutionnaire est exclue ad vitam aeternam de représentation au Parlement. Elle se fiche de ce théâtre d'ombres comme de l'apocalypse selon Jean ...

A l'exception des deux bords opposés de l'échiquier politique, on peut donc dire que ce que nos "élus du peuple" redoutent le plus, tous groupes confondus, c'est bien de... retourner devant le Peuple.


JMB

[1] : A l'exception remarquable d' Isabelle ATTARD (Nouvelle-Donne), députée démissionnaire d' EELV, qui a voté contre la confiance.

LIEN:
http://www.assemblee-nationale.fr/14/scrutins/jo0901.asp

lundi 2 mars 2015

Je LUTTE donc JE SUIS


Je Lutte Donc Je Suis ( Un Vent du Sud contre la résignation)

Voici une version longue  (10 minutes) de la bande-annonce du nouveau film de Yannis Youlountas en cours de préparation, sur quelques unes des musiques… 

  
SOUTENIR la préparation du film pour lui permettre de sortir et d’être mis en ligne gratuitement.
CONTACTER l’équipe (coordination, administration, réalisation…)

Le film :

« De Grèce et d’Espagne, un vent du sud contre la résignation souffle sur l’Europe. Dans les villes et les campagnes, dans les îles et les montagnes, au cœur des luttes et des alternatives en actes, des femmes, des hommes, mais aussi des enfants refusent de baisser les bras.
Une même devise résume leur courage de résister, leur joie de créer et leur persévérance à toute épreuve : « JE LUTTE DONC JE SUIS » (prononcer « AGONIZOMAI ARA IPARKO » en grec et « LUCHO LUEGO EXISTO » en espagnol).
Quelques mots pour vivre debout, parce que rester assis, c’est se mettre à genoux.
Une brise marine, souriante et solidaire, de Barcelone à Athènes et d’Andalousie en Crète, qui repousse les nuages du pessimisme. Un voyage palpitant en musique, d’un bout à l’autre de la Méditerranée, en terres de luttes et d’utopie. »

Durée : 1h20. VF-VOSTF. Sortie : juin 2015 (sous réserve : date de sortie et moyens techniques selon financement, cf. souscription de soutien ici).
Supports : DVD, Blu-ray, DCP et fichier H264 MP4.
Film à but non lucratif en creative commons 3.

 

Coordination diffusion distribution : Maud et ANEPOS, tél. 06 18 26 84 95 ou courriel Maud.

Réalisation et images : Yannis Youlountas. Scénario : Maud et Yannis Youlountas
Montage : Yannis Youlountas, avec le concours de Anne Merlieux et Maud Youlountas.
Mixage son et étalonnage : Berceau d’un autre monde. Photos : Maud Youlountas.
Musiques :  de nombreuses grandes et belles surprises se préparent !


Organisez une projection collective !

Une salle avec vidéo projecteur, un peu de préparation, une date à retenir auprès de l’équipe du film, un réseau de diffusion de l’info, et cela vaudra toutes les manifs locales de soutien…

 


samedi 31 janvier 2015

Grèce : Syriza, la social-démocratie et l’Union Européenne

[Note Avanti!] A l’occasion de la victoire électorale de Syriza en Grèce et de la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par ce parti, nous reproduisons ci-dessous un article datant de 2012 et analysant de manière critique les positions de cette formation vis-à-vis de l’Union européenne, ainsi que la nature de cette dernière.

Le spectaculaire résultat électoral obtenu par la coalition Syriza lors des dernières élections législatives en Grèce (celles du printemps 2012 – NdT) et la possibilité qu’elle arrive en tête lors du prochain scrutin représentent un événement politique de premier ordre. Pour la première fois depuis la dissolution du Parti Communiste Italien en 1991, une force politique située à la gauche de la social-démocratie officielle – aujourd’hui partout convertie au néolibéralisme – devient la première force électorale de la gauche dans un pays européen.
Cet événement a une importance particulière car il reflète un déplacement significatif de l’électorat grec vers la gauche dans un pays où sont appliquées les mesures d’austérité néolibérales les plus agressives. Si ces mesures provoquent un recul brutal des conditions de vie et de travail pour l’immense majorité de la population grecque, elles ont également poussé cette population à s’engager dans des formes de luttes et de résistances d’une intensité jamais vue en Europe au cours de ces trente dernières années.

Keynésianisme illusoire

Syriza a occupé l’espace politique que la social-démocratie a abandonné en embrassant les postulats du néolibéralisme – ce qui vaut à celle-ci le qualificatif de social-libéralisme – et en participant à des gouvernements qui ont appliqué les politiques anti-populaires dictées par la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds Monétaire International). Il n’est donc pas surprenant que le programme de Syriza soit un programme réformiste de gauche, de style social-démocrate classique.
Mais il se fait que dans l’étape actuelle du développement de la lutte des classes, avec une offensive et une agressivité sans précédent d’une oligarchie financière qui est disposée à piétiner les normes démocratiques élémentaires, des revendications propres à la social-démocratie des années ’40 et ’50 (comme la nationalisation des banques, une forte taxation des grandes fortunes ou un secteur public renforcé) sont aujourd’hui incompatibles avec les mesures imposées par cette oligarchie et constituent ainsi un programme de rupture avec le néolibéralisme.
Ainsi, le programme de Syriza, qui, fondamentalement, est celui des organisations du Parti de la Gauche Européenne (PGE) (1), n’est pas un programme anticapitaliste. Il n’établit pas des objectifs de dépassement du système ni d’objectifs socialistes. En accord avec les économistes des différentes écoles keynésiennes, Syriza et les organisations liées au PGE pensent qu’il est possible de résoudre la crise capitaliste par des politiques anticycliques qui favorisent la croissance économique : augmentation des dépenses publiques pour stimuler l’augmentation de la demande interne (consommation et investissements), politiques fiscales de redistribution qui ciblent les grandes fortunes et les profits, utilisation du crédit pour stimuler l’activité économique productive et l’emploi, etc. En définitive, il s’agit de reconstruire l’Etat-Providence, le pacte social entre le Capital et le Travail qui a présidé les trente années de croissance consécutives à la Seconde guerre mondiale.
Mais la majeure partie des économistes marxistes ne croit pas qu’il existe aujourd’hui des marges de manœuvres pour de telles politiques. (2) Et cela pour la simple raison que les politiques keynésiennes se sont épuisées entre la fin des années ’60 et le début des années ’70 car elles n’étaient plus capables de garantir un taux de profit suffisamment élevé pour l’accumulation du capital, ce que, depuis lors, tentent de réaliser les politiques néolibérales.

La dette et l’Union Européenne

Les points du programme de Syriza concernant la dette, l’Euro et l’Union européenne sont fondamentaux et déterminent en réalité le reste de ce programme au vu de la dépendance absolue de la Grèce envers les décisions prises par la Commission européenne. A ce sujet, la position de principe de Syriza est claire : elle défend le maintien de la Grèce au sein de la Zone Euro et de l’UE, tout en rejetant les plans d’austérité sauvage exigés par la Commission afin d’obtenir les tranches du « plan de sauvetage » au nom du « Mémorandum » concocté par la Troïka et le gouvernement précédent.
Elle accepte également le principe du remboursement de la dette, tout en proposant un audit indépendant afin de délimiter sa partie « odieuse » (et donc illégitime) ainsi que la suspension temporaire (moratoire) du paiement des intérêts dans l’attente que soit rendu public le résultat de cet audit. Autrement dit, il s’agit pour elle de renégocier le montant total de la dette par la suppression de la partie qui sera considérée comme illégitime au travers de cet audit. (3)
Le positionnement de Syriza par rapport à la dette en général et à l’Union européenne en particulier n’est pas très différent de celui qui est publiquement soutenu par certains partis sociaux-démocrates, particulièrement quand ils sont dans l’opposition. Syriza croit, comme Hollande et aujourd’hui également Rubalcaba (leader du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, NdT), que la solution au problème de la dette passe par une réforme de la Banque Centrale Européenne (ce qui implique de modifier les Traités européens) pour qu’elle stimule la croissance et l’emploi et ne se limite plus au contrôle de l’inflation. Agissant comme la FED des Etats-Unis ou comme une quelconque autre banque centrale, la BCE serait un prêteur de dernier recours (en prêtant aux Etats à des taux d’intérêt peu élevés et, y compris si nécessaire, sans intérêt puisqu’elle peut imprimer l’argent nécessaire), ce qui permettrait de tenir à distance les spéculateurs du marché des dettes et faciliterait la réduction de ces dernières par la diminution de leur charge financière.
La BCE aurait en outre la capacité d’émettre des titres de la dette (les fameux « euro-bons » ou « euro-obligations »), ce qui permettrait de répartir de manière solidaire les dettes publiques européennes entre les différents membres de la Zone Euro en fonction du poids et des capacités spécifiques de chacun. Mais l’Allemagne se refuse à assumer le coût de dettes pour lesquelles elle déclare n’avoir aucune responsabilité. Or, on sait pourtant que les banques allemandes ont joué un rôle clé dans le financement de crédits à bon marché qui ont favorisé la croissance des dettes dans les pays de la périphérie européenne, et cela dans le but de favoriser les exportations allemandes (qui représentent la majeure partie de son PIB). L’Euro, tel qu’il a été conçu et imposé entre des économies aussi différentes, a été avant tout utilisé par l’Allemagne dans ce même but.
Face à la difficulté - du fait de l’opposition farouche de l’Allemagne (les Verts et le SPD soutenant Merkel sur ce point) - de réformer les Traités européens pour modifier le rôle de la BCE, les partis socialistes européens et les organisations du PGE (parmi lesquelles Syriza) optent pour mener des politiques de croissance par la stimulation de la demande interne. Dans ce but, Hollande a proposé d’utiliser la Banque Européenne d’Investissement et les Fonds Structurels de l’UE. Comme solution de compromis et comme bouée de secours pour des gouvernements tels que ceux d’Italie et d’Espagne, il est également demandé d’intensifier l’achat (bloqué ces dernières semaines) par la BCE de dettes publiques afin de contrer les spéculateurs et de maintenir dans certaines limites les taux d’intérêt.
La social-démocratie et les organisations du PGE croient qu’il est possible de mener ces réformes au sein de l’Union Européenne au travers d’un changement des rapports de forces politiques en Europe. Un changement qui aurait commencé avec la victoire de Hollande et l’éventuelle victoire de Syriza en juin. Mais l’attitude des Verts et du SPD allemand ont de quoi refroidir l’expectative autour de la défaite possible d’Angela Merkel aux prochaines élections générales de 2013.
Évidemment, il existe des différences entre les partis du PGE et les partis socialistes. En général, les premiers revendiquent des politiques keynésiennes classiques (celles défendues par la social-démocratie avant sa conversion au social-libéralisme dans les années ’80-’90) qui donnent la priorité, en temps de crise, aux stimulants et à la croissance par rapport aux contrôle des déficits publics. Ils proposent de restructurer les dettes publiques et de flexibiliser leur remboursement afin de maintenir en équilibre les déficits, tandis que les Partis socialistes acceptent de réduire la dette et les dépenses publiques et pensent qu’il est possible de mener à la fois des politiques d’austérité et des politiques de croissance.
Mais ces deux courants acceptent le principe du remboursement des dettes publiques et pensent qu’il est possible de réformer de l’intérieur l’Union européenne et ses institutions afin de construire une « Europe sociale ». Autrement dit, de rééquilibrer cette UE en lui donnant une dimension manquante aujourd’hui, en construisant en son sein ce qu’on appelle traditionnellement « l’Europe des peuples » face à « l’Europe des marchés ». Dans le cas d’organisations telles que Syriza ou Izquierda Unida (IU), cette croyance plonge ses racines dans des convictions historiques sur les potentialités de la construction européenne qu’il est utile de rappeler ici.

Européisme de gauche

Syriza, comme IU, estime que l’UE est un cadre institutionnel donné à partir duquel il est possible de construire une unité politique européenne. Cette idée était déjà présente dès les débuts de la CEE, bien que son développement initial a été amplement déterminé par la volonté des capitalistes européens d’insérer l’économie européenne dans le marché mondial au même niveau que les autres composantes de la « triade » des grandes puissances de l’époque (États-Unis et Japon). Le patronat des principales puissances industrielles européennes et la tutelle économique et géopolitique des États-Unis pendant la Guerre froide ont joué un rôle prépondérant dans l’intégration économique européenne.
Les progrès dans l’unification d’un marché unique européen n’ont jamais été accompagnés d’avancées équivalentes dans les domaines sociaux et politiques. Ces derniers sont toujours restés à l’état de proclamations à long terme, avec des objectifs et des moyens réduits. La social-démocratie européenne - et depuis les années ’70 le courant dit « euro-communiste » (4) (avec le Parti Communiste Grec de l’Intérieur dont est directement issu Synaspismos, le principal parti de la coalition Syriza) - a toujours brandi l’unité politique européenne comme objectif de ce processus d’intégration au travers de ses instruments institutionnels successifs : la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), ensuite la Communauté Economique Européenne (CEE), la Communauté européenne (CE) et finalement l’Union européenne (UE). Un positionnement qui est à peine différent de celui des libéraux, des démocrates-chrétiens et des conservateurs. De fait, la construction européenne actuelle est le résultat d’un accord tacite entre les principaux courants politiques de l’Europe de l’après-guerre.
Un aspect significatif du discours « européiste » de la social-démocratie (et de l’euro-communisme) a toujours été l’idée qu’une Europe unie était nécessaire afin de contrebalancer l’hégémonie des États-Unis et pour garantir une authentique souveraineté européenne. Cependant, comme le démontre clairement toute l’histoire de l’intégration européenne, l’unité contradictoire des principaux pôles du capitalisme mondial a été pilotée par les États-Unis, qui ont dominé les principaux organismes de coordination formels (les institutions de Bretton Woods : Organisation mondiale du commerce, FMI, etc.) et informels (Commission Trilatérale, etc.). Sans parler de la subordination militaire, dans laquelle « l’autonomie » européenne (avec le cas exemplaire de l’Union de l’Europe Occidentale - UEO) (5) n’a jamais dépassé le stade hybride entre la tentative vouée à l’échec et l’illusion pure et simple.

Le poids du capitalisme allemand

Ce n’est qu’après l’absorption de la République démocratique allemande (RDA) par la République fédérale allemande (RFA) et la subordination économique et politique d’une bonne partie de l’Europe centrale et orientale au capitalisme allemand que purent s’imaginer des formes d’intervention autonome de l’Europe dans un capitalisme mondial toujours dominé par le poids écrasant des États-Unis grâce à sa puissance militaire et à l’hégémonie du dollar. L’Allemagne a utilisé l’introduction de l’euro pour subordonner les économies de la périphérie européenne à ses exportations, elles-mêmes soutenues par des mesures draconiennes de réduction des salaires des travailleurs allemands afin d’augmenter sa compétitivité.
Autrement dit, le capitalisme allemand s’est donné les moyens d’entrer dans la concurrence impérialiste pour la conquête des marchés et des ressources mondiales à un moment où la globalisation néolibérale s’articulait au travers de processus d’intégration régionaux à l’échelle de la planète. Tout cela s’est passé au cours des années ’90 et au début des années 2000, en pleine hégémonie idéologique et politique du néolibéralisme. Années où l’UE à participé au pillage des pays en voie de développement au travers de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), puis de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), a soutenue l’Allemagne dans le démantèlement de la Yougoslavie, l’OTAN dans le bombardement de la Serbie et les États-Unis dans le blocus criminel de l’Irak.
Malgré tout cela, la social-démocratie européenne et les héritiers de l’euro-communisme ont apporté leur soutien au Traité de Maastricht, en insistant sur l’idée d’une Europe « autonome » face aux États-Unis : une Europe « de paix », du « bien-être » et du pacte social entre le Capital et le Travail et en chantant les louanges du « capitalisme rhénan » face au « capitalisme anglo-saxon »...
La crise actuelle et sa durée sont aujourd’hui mises à profit par l’Allemagne afin de consolider sa position clé acquise sur la scène mondiale. Le projet de l’oligarchie financière allemande (selon le concept de Lénine, c’est à dire résultant de la fusion entre le capital bancaire et le capital industriel) passe par la subordination des pays de la périphérie européenne capables d’absorber ses produits tout en fournissant une main d’œuvre bon marché. Cet objectif est partagé par les classes dominantes des autres pays européens car elles sont intéressées, à court terme, à copier ce « modèle » afin de réduire drastiquement les salaires et privatiser massivement les entreprises et les services publics dans le but d’augmenter les taux de profit à un niveau permettant d’initier un nouveau cycle d’accumulation.

Un appareil institutionnel taillé sur mesure pour le grand capital 

Dans ce contexte, l’Union européenne constitue une bonne partie de l’appareil institutionnel qui incarne cette conjonction d’intérêts entre les oligarchies financières européennes. Le rôle de la Commission européenne et de la Banque Centrale Européenne ainsi que leurs fonctions sont clairement définis dans les différents Traités. Le Pacte pour l’Euro Plus de 2011 et le Traité de Stabilité, de Coordination et de Gouvernance (TSCG) de l’union monétaire européenne de 2012 sont des camisoles de force en faveur des mesures néolibérales.
Toute cette architecture, que la social-démocratie et les organisations du PGE pensent possible de réformer de l’intérieur, constitue l’engrenage juridique masquant l’hégémonie exercée par l’oligarchie financière. En réalité, il n’est pas possible d’aller très loin dans les réformes si on laisse intact le pouvoir économique de cette oligarchie. Et il est naïf de prétendre que ces réformes permettront de chasser l’oligarchie financière des positions qu’elle occupe aujourd’hui car l’appareil institutionnel de l’Union européenne a été taillé sur mesure pour elle et est exclusivement à son service.
C’est pour ces raisons que le succès de la lutte contre l’oligarchie financière impliquera nécessairement - à un moment déterminé et dans différents pays déterminés - une sortie de l’Union Européenne afin d’ouvrir la voie à la construction de « l’Europe des peuples », non d’en haut, mais à partir d’en bas. Il y aura certainement des « déconnexions » successives et il est préférable, tant pour sortir de l’euro que de l’UE, de mettre dès maintenant cette sortie en avant comme objectif politique avant que les oligarchies ne nous transforment en parias enchaînés aux intérêts impérialistes du capital allemand.

 

Notes d’Avanti

(1) http://www.european-left.org/
(2) Selon l’économiste marxiste Michel Husson : « D’un côté, le modèle néolibéral ne peut être relancé, parce que des ressorts essentiels à sa cohérence sont brisés. D’un autre côté, et c’est un point décisif, le retour au capitalisme fordiste est impossible en l’état actuel. Les rapports de forces nécessaires n’existent pas et la mondialisation représente un double obstacle : elle rend impossible la mise en place de « compromis » au niveau d’un seul Etat mais aussi la nécessaire coordination internationale. Après tout, le capitalisme fordiste ne s’est installé qu’après le choc majeur d’une guerre mondiale et sous la pression de rapports de force favorables aux travailleurs. Mais il y a une raison peut-être plus fondamentale à l’impossibilité d’une re-régulation du capitalisme, c’est la chute des gains de productivité. Le capitalisme néolibéral a ceci de très particulier qu’il a réussi à rétablir le taux de profit en dépit d’un relatif épuisement des gains de productivité. Il n’a plus grand-chose à redistribuer et n’a donc d’autre recours qu’une élévation continue du taux d’exploitation. ».
(« Le néo-libéralisme, stade suprême ? », Michel Husson, Actuel Marx n°51, 2012, http://hussonet.free.fr/actumx11.pdf )
3. Sur ce point, la position de Syriza s’est encore nettement édulcorée à la veille des élections du 25 janvier 2015, voir à ce sujet : http://cadtm.org/Podemos-y-Syriza-suavizan-su - NdT)
4. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Eurocommunisme
5. Union de l’Europe Occidentale, voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_de_l%27Europe_occidentale
6. Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_g%C3%A9n%C3%A9ral_sur_les_tarifs_douaniers_et_le_commerce

Article publié en 2012 sur le site espagnol Rebelion - Source : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=150451&titular=syriza-socialdemocracia-y-uni%F3n-europea-
Traduction française, notes et intertitres pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

dimanche 18 janvier 2015

La véridique histoire de l'usine Schaeffler de Saint-Siméon-de-Bressieux (38)

par Tof, zadiste syndiqué.


Oyez braves gens. Nous dédions cette petite histoire, presque un conte de fée dans ce monde tel qu'il leur convient, aux Perraud, Barbier, Cottalorda -respectivement maire UMP du village de Roybon (Isère), député UMP du coin, président fauxcialiste du Conseil Général de l'Isère, et à la majorité de cette noble assemblée.

Saison I


Maria-Elisabeth Schaeffler
Il était une fois une dame très riche qui s'appelait Maria-Elisabeth Schaeffler. Mme Schaeffler figurait parmi les 100 plus grandes fortunes du monde.

En 2006, notre milliardaire s'offrit la branche automobile du groupe britanique Renold plc. Ce groupe produisait des chaînes de distribution pour moteurs, sur les sites français de Calais (62) et de Saint-Siméon-de-Bressieux (38), une bourgade située à quelques encâblures du village de Roybon (9,9 km), dans le département de l'Isère.

Les installations du site de Saint-Siméon avaient la particularité d'abriter une machine-outil de haute technologie assez rare dans cette branche industrielle pour intéresser la richissime équipementière, qui ne disposait pas d'une telle machine même dans ses usines d'Allemagne.

En 2008, l'usine de Saint-Siméon faisait partie des établissements industriels à forte concentration d'emplois en Bièvre-Valloire (92 salariés) (1).

Cette année-là, Mme Schaeffler se lança dans une tentative d'OPA hostile sur Continental, un groupe trois fois plus gros que le sien à l'époque.

Mais l'opération échoua, et les deux groupes perdirent des plumes dans la bagarre : plus de 20 milliard d'euros de dettes à eux-deux en 2009-2010 (2). On écrit bien : 20 milliards d'euros.

Vous avez peut être entendu parler depuis du groupe Continental, à propos de fermeture et de lourdes pertes d'emplois...

En avril 2009, notre milliardaire pris la décision de fermer le site de production de Saint-Siméon et d'emmener ailleurs sa précieuse machine.

Les salariés du site de Saint-Siméon, eux, ne l'entendaient pas de cette oreille. Déterminés à défendre leurs emplois et l' outil de travail, ils occupèrent leur boîte à partir du 16 avril 2009, et bloquèrent le transport de la production (3) . Les habitants de Saint-Siméon et des environs les soutinrent pendant 7 semaines.

Mais notre milliardaire savait qu'elle pouvait compter sur ses amis locaux : A l'issue d'une manifestation de "soutien" aux salariés à Saint-Siméon, l'ancien député UMP local et le secrétaire syndical départemental présents tinrent un discours curieux, pour ne pas dire alambiqué, d'où il ressortait que finalement, le maintien des emplois sur le site de Saint-Siméon n'était plus vraiment d'actualité.

De guerre lasse, les salariés finirent par cesser l'occupation, le 26 mai 2009 (4).  Pour eux désormais, la seule porte grande ouverte était celle de Pôle-Emploi. Maria-Elisabeth, elle, obtint des pouvoirs publics de déménager tranquillement sa précieuse machine sous protection policière.

Ce n'est pas tout. Tout-à-la joie d'échapper à une fermeture du site de Calais, les collectivités locales de la région Nord, l'Etat, s'empressèrent de lui voter quelques subsides. Au nom du développement de l'emploi bien sûr ! (cf note 5.)

Maria-Elisabeth Schaeffler perçut donc en gage d'amitié une aide "sous forme d'avance remboursable sur 5 ans au taux de 0%" de 300.000 euros de la communauté d'agglomération, de 600.000 euros pour la Datar, et de 600.000 euros de la Région (Fonds Feder-FSI)... lors du déménagement de l'usine de Calais du centre-ville vers une zone franche à la périphérie. (cf. note 5.).

Les affaires reprirent. A Calais « 2012 a été une bonne année. L’usine a réalisé un chiffre d’affaires de 58 millions d’euros et produit 30 km de chaînes par jour. » confiait le directeur qui avait supervisé le déménagement (6) Notre milliardaire se renfloua (7).

Tant et si bien qu' en novembre 2012, la direction du groupe Schaeffler-France ouvrit à... Saint-Quentin-Fallavier, dans le Nord-Isère, un nouveau centre logistique national doté d'un entrepôt de 6000 m2, deux fois plus vaste que l'ancien qui se situait à Genas, dans le Rhône) (8).

Ainsi se termine ce petit épisode édifiant de la saga haut-de-gamme du groupe européen Schaeffler.

Maria Schaeffler et son fils Georg
Epilogue.
...L' héritier de notre milliardaire, Georg junior, avait pleins d'amis qui se pliaient aux quatre volontés de la famille Schaeffler. Georg F. W. Schaeffler eut des enfants, qui eux-mêmes...

Vous avez aimé la saison I avec Schaeffler ? Vous adorerez la saison II avec Pierre & Vacances.

Mais nous souhaiterions que Gérard Brémond (P-DG de P&V) et les co-scénaristes de son projet d'implantation à Roybon -en particuliers nos zélus locaux d'aujourd'hui, dignes continuateurs de nos zélus d' hier- veuillent bien cesser de faire la leçon aux opposants à ce projet au nom des zemplois-à-n'importe-quel-prix. Et que le souvenir cuisant du passage de la famille Schaeffler dans le coin puisse donner un peu à réfléchir à tout-le-monde, si possible. Merci.

P.S: C'est sûr, par les temps qui courent, la fabrication de pièces de bagnoles n'est sûrement pas une panacée en terme d'emploi. Et nous sommes persuadés qu'il y a des choses bien plus intelligentes à faire en la matière. Cf notes (9).

Saison II

Prologue  : En 2007, les prédécesseurs des élu(e)s cités au début -mention spéciale à André Vallini (PS) l'ancien Président du CG de l' Isère- ont royalement fait cadeau de 200 ha de la forêt des Chambaran, près de Roybon (Isère) au promoteur Pierre & Vacances, aux fins d'y implanter un "Center-Parcs".

Ce concept d'immobilier de loisir, lui-aussi très friand d'aides publiques directes et indirectes, est très gourmand en eau, en énergie, et dévoreur d'espaces naturels. Le projet de Roybon peut accueillir plus de 5000 personnes. Il menace un système aquifère exceptionnel situé très précisément au-dessous de la zone humide "protégée" où il doit être impanté. Le Massif des Chambarans est un formidable chateau d'eau. Il fournit 100 communes de la Drôme et 40 communes de l’Isère en eau potable de grande qualité. Le défrichage de la forêt a démarré au mois d'octobre 2014 sur décision préfectorale, au mépris des conclusions, clairement négatives de l'enquête officielle d'utilité publique.

Ce projet menace de disparition certaines espèces animales et végétales "protégées" (re-sic) telle l' emblématique écrevisse à pattes blanche, et la timide ophioglosse. Déforestation, drainages, voies d'accès, bétonnage et goudronnage détruiront irrémédiablement leur biotope.

Au nom de l'emploi et d'une idée très contestable du développement économique, Pierre & Vacances a comme spécialité de s'accaparer des sites naturels remarquables en s'assurant de la complicité des zélus locaux. Ces sites servent d' écrin à des lieux de résidence privés et clôturés, composés essentiellement de "cottages" (bungalows de grand confort) entourés de commerces et de services de proximité (bars, banques, supermarchés, etc). Les cottages sont répartis autour d'un dôme "aqualudique" géant baptisé "Aquamundo". A l'intérieur, l'eau est chauffée à 29 degrés 365 jours par an. P&V fait son beurre une fois sur la vente de ces cottages à des investisseurs alléchés par diverses niches fiscales, une seconde fois sur leur location aux touristes, pour le compte des investisseurs. P&V leur verse un loyer dont elle détermine le montant. Au fil des ans les loyers versés aux acheteurs baissent. Ils comptent pour une part de plus en plus faible du produit global d'exploitation des Center-Parcs.

Plus de la moitié des emplois créés pour assurer l'exploitation d'un Center-Parcs sont des emplois de nettoyage sous-payés et à temps très partiel (9h/semaine en moyenne) créés au prix fort, aides publiques incluses (240.000 € par poste). Ces emplois ne permettent pas d'assurer à eux-seuls la subsistance d'un(e) salarié(e) ■

Notes:
  1.  INSEE Rhône-Alpes 2008 : Portrait de Bièvre-Valloire 
  2.  Schaeffler_Gruppe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Schaeffler_Gruppe#OPA_sur_Continental
  3. Coup de théâtre à Saint-Siméon-de-Bressieux, sur le site des usines Schaeffler 
  4. http://www.mgrenoble.fr/2093-le-blocus-a-finalement-ete-leve-chez-schaeffler.html
  5. Inauguration de l'usine Schaeffler : le blog de Philippe Blet, président de la communauté d’agglomération du Calaisis.
  6. http://www.lavoixdunord.fr/region/calais-schaeffler-a-l-aise-dans-sa-nouvelle-usine-ia33b0n1570276
  7. http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/la-milliardaire-de-l-automobile-prete-a-tout-pour-sauver-son-empire_1366521.html
  8. http://www.ledauphine.com/actualite/2012/09/10/schaeffler-france-transfere-son-centre-logistique-en-nord-isere
  9. Quelques questions et leurs réponses relevant nos griefs contre la construction du Center Parcs de Roybon 
Sites de lutte contre le projet de Center-Parcs de Roybon et leur monde : 

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